« JE M'ADAPTE AUX CONTRAINTES ET AUX ATOUTS DE MA STRUCTURE
ON AIME À DIRE QUE LES GÉNISSES SONT L'AVENIR DU TROUPEAU. AU GAEC DU MARAIS, ELLES SONT L'UNE DES CLÉS DE L'ADAPTATION À LA FLUCTUATION DES VOLUMES ET DU PRIX.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
HONNÊTEMENT, CE NOUVEAU CONTEXTE DE FLEXIBILITÉ des prix et des volumes n'est pas une bonne chose. J'aurais préféré que les États de l'Union européenne s'accordent pour conserver des outils de régulation pour le lait. Maintenant, si nous n'avons que ce paysage comme horizon, nous allons essayer de nous adapter… encore une fois ! » Installé à 29 ans, en 2002, sur la ferme familiale aux côtés de sa mère et son père, Jean-Marc Ménoret garde la volonté de réagir, malgré les incertitudes qu'il sent venir : « L'accord actuel sur le prix du lait nous donne un peu de visibilité jusqu'à fin décembre mais après… » S'adapter, il l'a déjà fait à plusieurs reprises ces dernières années. Avec les 53 000 l de lait qui ont accompagné son installation, le quota de la ferme atteignait alors 343 000 l. Aujourd'hui, il est de 404 000 l « mais nous traînons, comme un boulet, une référence matière grasse à 37,8 ».
« ACCEPTER TOUTES LES RALLONGES POUR AFFRONTER L'AVENIR »
À chaque fois que des rallonges laitières lui ont été proposées ces dernières années, le Gaec les a acceptées : « Nous sentions que les accepter était une manière d'affronter un avenir un peu flou. » Pour la même raison et dans les limites de sa dimension économique au regard du Pad (projet agricole départemental), le Gaec a acheté des quotas supplémentaires quand c'était possible. Entre-temps, il est vrai, ses contours ont évolué avec une dizaine d'hectares de plus et l'abandon de l'atelier de lapins (150 cages mères). Puis Jean-Bernard, le père de Jean-Marc, a pris sa retraite en 2008. Son épouse, Michèle, reste associée avec son fils, mais son mari n'hésite pas à assurer ses tâches quand sa disponibilité est réduite. Pour produire les quantités que la laiterie attend de l'exploitation, Jean-Marc a jusqu'ici misé sur l'augmentation de la production par vache plutôt que sur leur nombre. Notamment pour ne pas allonger son temps de travail. Il assure la traite matin et soir : « Un signe ne trompe pas : quand j'arrive à la quarante-sixième vache, je me dis facilement que c'est peut-être le moment de penser à la tarir ! » Alors, cet ancien inséminateur (il l'a été cinq ans), passionné de génétique, a fait en sorte de limiter cette contrainte, en passant de 8 900 kg de lait brut et 49 vaches en 2008-2009, à 9 200 kg pour 45 laitières en 2009-2010. Et, en cet automne 2010, il trait 43 vaches à un niveau moyen de 9 950 kg/VL. « Évidemment, j'arrive à un seuil. » Il va falloir trouver d'autres voies face aux dotations complémentaires de la présente campagne avec + 2 % de quota en dur et + 4 % attribués par la laiterie. « Les 430 000 l, je pense pouvoir les produire… avec un enjeu : diluer mes charges de structure. »
« DEMAIN, ON RAISONNERA LE QUOTA PAR BANDE ? »
Mais parallèlement, les solutions retenues doivent être suffisamment réversibles pour parer d'éventuels renversements de tendance qui toucheraient les prix ou les volumes du lait, ou le prix des intrants… « J'ai l'impression que demain, on raisonnera quasiment le quota par bande d'animaux, un peu comme en hors-sol. »
« J'AI 40 HECTARES INONDABLES… »
Pour relever ce défi, Jean-Marc a d'abord analysé les atouts et les contraintes de son exploitation. Celle-ci est traversée par l'ex-route nationale Nantes- Angers, aujourd'hui doublée par l'autoroute mais encore très fréquentée, et comporte deux îlots principaux. Le premier, d'une cinquantaine d'hectares, est groupé autour des bâtiments. Il est fait de sols sableux-schisteux, des « terres à vigne » séchantes en été, mais dont une partie, située sur le marais de Méron, est inondable et submergée environ trois semaines par an. À près d'1 km de là, de l'autre côté de la route et de la voie du TGV, dans la vallée, au bord du fleuve, le second îlot comporte notamment une douzaine d'hectares équipés de points d'eau. Il inclut lui aussi des marais inondables. « La Loire, dit-on, y laisse des éléments fertilisants quand elle se retire. » Au total, une quarantaine d'hectares est drainée et une dizaine irriguée à l'enrouleur. Voilà pour le foncier, une surface que le Gaec n'envisage pas, à ce jour, de faire évoluer : « Courir après les hectares, ce n'est pas trop mon truc… Encore moins s'il faut aller les chercher à 10 km de l'exploitation. » Du côté des bâtiments, l'exploitation est plutôt à l'aise. D'une expérience ancienne d'association avec un tiers, il reste une stabulation de 70 places, en logettes « cul à cul ». Pas de souci donc s'il faut intégrer un jour quelques vaches en plus, même si ce n'est pas dans les intentions de Jean-Marc. Certes, l'ensemble, orienté à l'est, n'est pas neuf, mais il est fonctionnel et doté d'une toiture en écaille qui assure une bonne ambiance. Une partie des génisses y trouve aussi leur place tandis que les autres occupent l'ex-atelier de lapins réaménagé. La salle de traite 2 x 5 places, rénovée il y a huit ans pour l'adapter à la taille de Jean-Marc (1,80 m), n'est pas clinquante mais efficace. Elle est équipée de dépose automatique et d'indicateurs à lait. « Je privilégie les équipements qui peuvent simplifier le travail… »
« CHERCHER L'HERBE À FOND AU PRINTEMPS »
Dans le même esprit, il a doté l'étable d'une chasse d'eau, qui utilise les effluents liquides pompés dans la fosse : 8 000 l à chaque hydrocurage. Il a aussi adopté le pocket PC pour la conduite du troupeau et des cultures. Autre astuce : une vieille ensileuse traînée hache la paille, qu'il intègre dans les rations mélangées au godet. Pour répondre à la demande croissante en lait tout en parant le risque lié à des sols séchants, l'exploitation a modifié ses pratiques. « Avant, nous étions plutôt intensifs en maïs et extensifs en prairies. Nous avons rectifié le tir. Le choix initial de semer des raygrass anglais + trèfle blanc n'était pas très payant, compte tenu des périodes sèches. En revanche, les sols sableux, qui chauffent vite, sont susceptibles de fournir de l'herbe à fond au début du printemps. Après des essais décevants de dactyle, nous nous sommes orientés vers des ray-grass hybrides + trèfle violet, également abandonnés car ils ne perduraient pas les années sèches. Alors nous avons conservé 5,5 ha de ray-grass anglais en pur pour le pâturage. Pour le reste, nous implantons du ray-grass italien en rotation avec les céréales, sur la dizaine d'hectares drainés autour de l'exploitation. L'idée est de disposer très vite en saison d'un volume d'herbe important à ensiler, si possible pour deux coupes suivies d'un foin. Mais nous prêtons une grande attention à la qualité de l'herbe… quitte à récolter sans chercher le tonnage maximal. Ici, ensilé au bon moment, un ray-grass italien peut apporter 0,97 UFL/kg. Quelques semaines plus tard, il ne titrera plus que 0,93 UFL ou moins… il y a donc chaque année un compromis à trouver. »
Dans le même temps, le Gaec cherche à valoriser le pâturage. 35 ha sont à proximité immédiate des bâtiments « mais du fait des rotations, 15 à 20 ha sont vraiment accessibles aux vaches chaque année, soit 30 ares/VL. Et surtout, du faitdes sols, on atteint vite des limites. Quant aux années où il y a de bonnes repousses d'automne, elles ne sont pas forcément faciles à gérer, notamment quand nous sommes repassés à la ration hivernale au maïs. ». Dans ce système et même si l'herbe représente 55 % des fourrages, il n'est pas imaginable de se passer du maïs. « En bonnes conditions, il apporte 13 à 15 t/MS/ha », notamment grâce à l'irrigation.
« LES GÉNISSES, LA SOUPLESSE DU TROUPEAU »
Pour Jean-Marc, pas de doute : les génisses sont l'un des atouts de son élevage. Elles sont toutes conservées, nourries en ration sèche en hiver, avec le foin de l'exploitation, et des granulés plutôt que les céréales de la ferme : « La régularité est meilleure et l'assimilation plus rapide… » L'objectif est de les faire vêler à deux ans. « Et puis, j'ai tout de même 26 ha de prairies naturelles à valoriser. Une fois inséminées, je les emmène en mars sur les prés de marais, lorsque la Loire s'est retirée, avec une petite complémentation au début. Ce sont là des sols argilo-sableux, et même s'il remouille, ça ne casse jamais. Je ne les récupère qu'avant le vêlage. » Ces marais, autrefois, la famille Ménoret y mettait des boeufs : « Mais je n'ai pas trop la fibre à finir les animaux… En outre, les résultats étaient décevants. » Du coup, ces zones sont devenues un peu le « réservoir à génisses » de l'exploitation. Et ces jeunes sont aussi, à la demande, le frein et l'accélérateur de la production du troupeau. Elles peuvent être conservées et traites ou, au contraire, vendues. Elles sont alors plutôt mieux valorisées que les boeufs compte tenu du niveau d'étable. Certaines sont exportées, vers l'Espagne notamment. Et le Gaec n'hésite pas à vendre des vaches en lait si une opportunité se présente ou s'il en a besoin. Quant aux réformes, « je n'ai pas tendance à les engraisser avant de les faire partir… d'autant qu'elles pèseraient sur des stocks de maïs ». Au bout du compte, l'objectif est ici de garder une souplesse qui est aussi un atout pour la trésorerie de la ferme : « Nous n'avons jamais eu recours à des prêts à court terme. Autant continuer ! », déclare-t-il. Toujours du côté de la production, après avoir travaillé la productivité par vache, Jean-Marc veut s'attacher à améliorer le taux protéique : « Compte tenu des caractéristiques de l'exploitation, je vais le faire notamment par la voiegénétique… mais cela va prendre du temps. » Son autre objectif est de coller au mieux à la saisonnalité demandée par la laiterie : « Des mois comme août ou septembre sont plutôt bien rémunérés. À moi d'opérer mes choix de variétés, mes modes d'exploitation de l'herbe et ma gestion de stock en fonction de cette donnée. »
« MON CLIGNOTANT C'EST LA TRÉSORERIE »
Pour piloter ces changements Jean-Marc dispose d'un outil qu'il estime important : la connaissance de son coût de production, calculé cet été avec son conseiller (voir ci-dessous). Désormais, il cerne mieux, poste par poste, ce qu'il peut bouger pour l'améliorer. « À long terme, j'évalue mon prix d'équilibre à 327 €/1 000 l… C'est un point de repère que je dois garder en tête. » Quant à son autre outil de travail – les structures de l'exploitation – il est déterminé à « faire avec ». « Aujourd'hui, mes annuités s'élèvent à 29 000 €… Je considère cela comme un plafond. Je ne projette donc pas d'à-coups dans mes investissements ni dans la structure de l'exploitation : telle qu'elle est, je dois en faire l'assisedes évolutions à conduire. » Ce sera l'un des éléments à prendre en compte lorsque se posera la question du renouvellement du tracteur de 110 ch, que Jean-Marc possède en copropriété avec un voisin et qu'ils attellent l'un et l'autre aux outils de la Cuma. La réflexion est lancée, tranquillement : « Il faut prendre le temps de bâtir la bonne solution. De toute façon, je ne suis pas sous la pression. » En effet, le Gaec possède un second tracteur, récent, de plus de 100 ch « et qui peut assurer, au moins tant que les conditions météorologiques et agronomiques sont correctes », remarque Jean-Marc Mais au-delà de la gestion à long terme, il souligne : « Mon clignotant principal, c'est la trésorerie… si elle se contracte, je me dis attention. Je crois vraiment que chaque évolution, chaque augmentation de production doit être plutôt progressive… et surtout consolidée, y compris sur le plan de l'équilibre et des coûts de structure, avant de passer à la suivante. L'idéal, si l'on accepte de produire plus, serait de ne jouer que sur les charges opérationnelles… et proportionnelles.
GWENAËL DEMONT
Avec 70 places – plus que ce dont l'élevage a besoin pour faire son quota – le bâtiment est l'un des atouts de l'exploitation.
Jean-Marc souhaite remplacer fréquemment le tracteur de la ferme. Un choix à concilier avec la nécessité de renouveler bientôt le tracteur de tête, aujourd'hui en copropriété avec un voisin.
« J'ai aussi des interrogations pour l'avenir, lorsque ma mère partira à la retraite. Je ne suis pas opposé à l'idée de poursuivre en Gaec, mais je ne suis pas sûr d'être prêt à m'associer avec un tiers. »
Équipement destiné à simplifier le travail, le pocket PC facilite tous les enregistrements dans l'élevage
Autre outil de simplification, le dispositif d'hydrocurage utilise les effluents liquides des bovins pour nettoyer le couloir d'exercice.
La traite en une heure. Simple, adaptée à sa taille, dotée de dépose automatique et d'indicateurs de lait, la salle de traite permet à Jean-Marc de passer ses 45 vaches en une heure.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :